31 janvier 2013


"    J 'entrai , mais point ne sus ou j'entrais,
     Et je restai sans savoir

     ...     "

Saint Jean de la Croix


28 janvier 2013

Eternité


Quelques jours d'absence sont ici une éternité. Et plongent tout dans l'oubli.
De nouveau les relations semblent à renouer, à recréer. Mais les bases sont là, enfouies dans des limbes mémorielles ; elles ressurgissent vite. Sans doute aussi parce que le regard vide de mes compagnons à ma vue, ou leur étonnement devant ma familiarité à leur égard, ne m'effraie plus, et que je sais maintenant comment le contourner, et reprendre là où j'en étais resté. Je sais ce que je peux me permettre.
Alors ce matin, joues et mains encore glacés du dehors, sac encore en bandoulière, je prends un long moment pour saluer chacun, et renouer avec mes habitués, élèves  et /ou compagnons.
Beaucoup de nouveaux visages sont apparus. Je fais un point nécessaire avec l'équipe, et le médecin.



Au détour d'un couloir, Claire me raconte l'histoire de mr Eko:  Sans papiers, camerounais peut être, journaliste. Et seul. Errant.


Atelier l'après midi, avec mr Eko :
il est de ceux qu'on ne résume à rien. Le garçon qu'on a laissé chez toi."
Tu as des croquis d'auteur ?“
Il a les yeux au ciel depuis de si longues minutes, j'ose à peine interrompre ses pensées  :
- Vous ne voulez pas continuer votre dessin ?
- Si, je suis dans le dessin.“



Visite quotidienne de Gustave:
“ Je voudrais vous dire aussi que je voudrais absolument que s soyiez là le jour où je vais me marier . Voilà. Mais je suis toujours dans les vappes.Si vous étiez là avec moi, on serait beaucoup plus heureux vraiment. Il faudrait veiller à ce que nous ne puissions plus faire de bêtises. Madame , je vous demande de vérifier toutes ces choses dont nous avons besoin, mais ne me laissez pas traîner dans le rue !“

27 janvier 2013

Lectures

 L'invention du quotidien, de Michel de Certeau
 T.1 Arts de faire; Pratiques d'espaces.


Enfant.Guitare.Rouge. Une performance en forme de livre 
de Barbara Manzetti
Le journal des Laboratoires d'Aubervilliers



Extraits à venir

24 janvier 2013

Déambulation partagée

Irène et Lilas ne se quitte plus depuis quelques jours. Et cela semble leur faire le plus grand bien. Lilas qui semblait toute perdue depuis le départ de Marnie, a retrouvé la paix, et le plaisir de la marche.  Et Irène, habituellement si sombre, est désormais tout sourire. Ragaillardie. 
Je les observe un long moment de par ma fenêtre ( l'atelier donne sur la salle à manger). Maguie essaie de se joindre à elles. Long conciliabule, film muet pour moi, qui prend les airs d'un règlement de compte. En chef de troupe, Lilas prends la main de Maguie, elles filent et laissent la petite Irène à la traine.

22 janvier 2013

Mystères- Paysage chez Gustave

Ces deux cadres ornent la chambre de Gustave.
Intriguée par leur histoire et désireuse de faire le lien entre ceux-ci et Gustave, je questionne sa fille  à leur propos. Ils étaient déjà là à son arrivée. Ils ont été laissé. Ils sont inscrit dans son paysage. Et créent un autre récit,  à l'insu de tous...





17 janvier 2013

Ode et confidences


Gustave et sa fille - dessin
Fleurs d'hiver. Rage. Fleurs de printemps. Alfred, bonjour. Bonjour d'Alfred. Le soleil...“
Les couleurs se posent en peinture pendant que les mots se cherchent, et se composent. Feuillage peut -être, pousses orange, vertes.
plein d'idées là- haut mais aucune ne me revient“. Il esquisse une lettre, un poème, cherche ses mots. “Bonjour soleil. Bonjour. B.O.N...“ On a tracé la lune, puis tout autour, la nuit noire.
M - “ ce n'est pas le soleil G, mais la lune.
G - il est en route alors. Bonjour monsieur le soleil que j'adore...“


On me confie Jackie pendant que Benjamin B est avec les siens. Elle me raconte son métier chez Phillips, son neveu alcoolique, son plaisir à conduire, le décès brutal de son mari.
Et Gustave chante “Tilalalilalala.............na na na...........Tilala...lala.“

16 janvier 2013

Héros

Voici la liste de tous mes héros quotidiens :
Maguie, mme R “ je suis une vieille machine, je suis née le 22 juillet 1927“.
G comme Gustave, mr Hart. Mon voisin, possible grand père...
Lilas, mme B, avec qui aussi je m'entends très bien.
Marnie, mme A, qui nous a quitté pour le 4e étage, en long séjour.
Mr Es, Jacques, également parti. Pull vert, et suffisance.
M comme Miguel, mr G, qui “chante“ son âme au grand dam de tous les autres.
M comme Marco, mr D, notre artiste italien. Et sa femme qu'il aime tant,
Eko Ey
Mme B, Sonia.
Mme D, Janine, pleine de couleurs et de sourire, de souvenir de grenoble et de paix.
Mme BN, qui ne bouge pas de son fauteuil en salle à manger, et ne veut surtout pas venir à l'atelier. Nous avons des relations cordiales, souriante mais de fait elle apparait finalement peu dans ces lignes.
Mme Ail, toujours dans sa chambre ou sur le pas de sa porte. Souriante, observatrice, qui me demande toujours des nouvelles de ma fille ( la mienne ?).
Mme  Jackie Serton, comment ai-je pu l'oublier ? Ma voisine de palier, matheuse, envoûteuse, chambre 16.
Benjamin B à peine arrivé, à peine envoûté, amoureux, playboy, mais c'est elle qui porte la culotte. (Elle a eu “40 hommes sous {ses} ordres“).
Mme Desmarais, Rose, qui me reconnaît bien, elle, j'en suis sûre. Et son mari, visiteur quotidien.
Mme Missat, Pascale. Qui m'émeut beaucoup.
Tout comme Irène G,  si consciente - elle- de ce qu'elle endure.
Odile, Mme A. Egalement peu présente dans mes lignes. (Grand mère de la belle-fille de notre Odete, dans ce tout petit monde.)
et Mr Bo, (G aussi). 
Mr D, Jean, charmeur, blagueur, gourmand, terrible aussi avec ses proches
( J'oublie ici certains. Toujours dans leur chambre, ou avec qui je ne passe que si peu de temps, mme L, mr Z, entre autres. Mme Ri, si timide...)


Tous les noms et prénoms ont été modifiés afin de respecter l'anonymat des patients, comme entendu avec le chef de service. 

14 janvier 2013

“On l'appelait Néné“


Longue conversation avec C, la psychologue et F le docteur.

Irène accepte de m'accompagner à l'atelier. Sa sœur en visite nous y rejoint. Leur intimité me convainc de la conscience que Irène a de sa situation, et de ce qui l'entoure. Elle se laisse emporter par la couleur et le tracé en même temps. Il est question d'assortir le dessin à ses vêtements, plus ou moins fictifs.
Doré et mauve.
On dirait un mec qui sort de l'usine avec sa casquette“, je suis assez d'accord. Mais le mec disparaît sous le mauve ensuite.

Jackie Serton et son Benjamin sont officiellement en amour. L'un avec l'autre vont et viennent vers la fiction du dehors. Baladés par le même “le médecin vous verra demain, à 9 heures“. Croisements multiples pendant que je trace leur promenade. Elle me raconte avoir lancé la première fusée dans l'espace, “de France !“, et en être très fière. Lui planté là comme un cow-boy, un mâle, genre Marlon Brando, protège sa douce, prêt au duel. Mais perdu dans une réalité qu'elle dirige. Mon plan se couvre de leur allées et venues, mêlées à celle de G (mme R). Conversations dignes d'Audiard, à ceci près que ce sont les femmes qui mènent la danse :
Maguie “J'ai passé l'âge du radada“, et autres allusions coquines. Les deux piquent un fou-rire, qui laisse le tourtereau perplexe. 
Et le parcours reprend.

11 janvier 2013

limites


Gustave est de nouveau à l'atelier. Nous prenons nos habitudes.
Il aime les chanson “qui tiennet bien la route, donnent des coups de pieds et reviennent après “.
CF enregistrement de nos conversations.

Marco, se glisse du couloir à l'atelier, curieux. Il passe voir son dessin. Et s'installe devant le mien. Il reconnaît , surpris, et commente chaque objet ( croquis de Jackie), les pointe du doigts, et ne quitte plus la surface du papier. Eternité dans laquelle Gustave le rejoint.
Arrivent Lilas et Irène, que je me vois forcée d'éconduire, déjà bien embarrassée des deux messieurs. Je tente de récupérer de l'espace, de les éloigner du dessin, pour me remettre au travail. En vain, j'en guide un vers la sortie, l'autre revient, suivi de L et R. Et ainsi de suite. Ils ne comprennent pas mon besoin d'espace vital et de solitude soudain. Lilas se froisse, Irène aussi, Marco est peiné et Gustave perdu.
Tout ce petit monde enfin dehors, je ferme la porte. Je viens de comprendre mes limites.

10 janvier 2013


Gustave appelle de sa chambre. Main dans la mienne, il vient à mes côtés. Assis face à la fenêtre, il discute et chantonne. S'endort sur un refrain. Tilala... Bienheureux ou presque, la mélodie revient au réveil, et “heureusement qu'il y a du soleil“ affirme t-il. ( Le ciel est gris à mourir!) “J'ai quand même ma jeunesse qui est là“.
Il trouve ici du réconfort, et même si le devoir l'appelle, il reste et me regarde travailler, sceptique.

14h, séance avec Marco, et Mr Bo, accompagné de sa femme.
Malgré la difficulté due à la présence d'une tierce personne, mr Bo me fait confiance, il est totalement présent et manifeste ce qu'il souhaite ou non. S'empare du pinceau, de la couleur, ou le rejette. La matière l'interpelle, il veut goûter la peinture. Avant de la poser. Par de tout petits mots, ou des phrases entamées dans le chuchotement, il exprime son ressenti au vu de ce qu'il fait, sa déception quelque part. Conscient de la “faiblesse“ de sa figuration, mes encouragements ne suffisent pas. Nous irons au delà une autre fois. Mais le vert qui parsème le haut de la feuille et raconte un feuillage, sa ténacité aussi, en disent long.
Marco a besoin de ma présence entière pour se lancer entièrement dans le dessin. Sinon il piétine, et attend confiant. Il commence lorsque nous nous retrouvons seuls. Il peint sur une esquisse d'arbre que je lui fait. Couleurs vives, contours, et encerclements très présents mais qu'il réussit à dépasser. Il persévère, finit, fignole. Je ne comprends rien mais lui tout, et nous arrivons à nous entendre.

Cf le croquis de Maguie déambulant. “ Je me promène, je ne sais pas quoi faire d'autre“ ; le nez en l'air curieuse de tout, attentive. Refrain de cette semaine.



7 janvier 2013

Nouvelle année - retour


Le retour est difficile. Avec tous.
Bien heureusement l'atelier n'a pas bougé (excepté un dessin disparu ?), et me conforte dans cette place à reprendre.
Les patients ne me “reconnaissent plus“. Dix jours au loin et tout semble à refaire. Maguie ne répond plus à mes sourires, Lilas ne me salue pas de la main, Mr Eko est plus perdu que jamais au son de ma voix... Et aucun d'eux ne veut venir dessiner.
Moral dans les chaussettes. A première vue.

Je sépare mon grand cahier. A l'ouest, la partie avancée du travail perso. A l'est, à la japonaise, les notes avec les patients, carnet d'humeur, anecdotes, remarques, dessins, et murmures. Navigation à vue, et à l'ouïe; la bascule doit être rapide, et la transmission ici plus délicate. Plus déliée.
On verra à l'usage.