21 avril 2013

Week-end

C'est mon premier samedi. L'hôpital baigne dans le calme. L'unité le paraît. J'imaginais trouver une autre équipe, devoir me présenter. Mais rien n'est différent, si ce n'est peut être un certain état d'esprit et la présence nombreuse des familles. Les couloirs sont ou semblent occupés différemment, les patients plus tranquilles?
Je prends le temps autrement, de déjeuner avec l'équipe, de participer aux transmissions aussi. Je me sens maintenant suffisamment intégrée pour ces temps collectifs de détente et de travail.

L'air souffle et conduit dans le grand couloir, des patients inhabituels devant l'atelier. Madame Rissaut énervée, martèle de ses talons, ressasse “ y a personne ! et moi, on me garde! ça alors!“. Albert se balade calmement. Monsieur Dix compte dans sa barbe, à n'en plus finir. Madame Bau est dorlotée par M** , tandis qu'Irène est vêtue de printemps. Je m'incline une fois de plus devant la patience des équipes. En terre de Max et des maximonstres*.

La croix du motif peint, leur croix à porter.  



*  livre pour enfants de Maurice Sendak.  Rêves, et terres imaginées.


 

20 avril 2013

A couper au couteau

Je me rend compte de la similitude étrange entre ces soeurs ennemies. Nette. Finesse du corps, franchise de l'esprit. Brune, et blonde. Douces, modestes, hautaines, dominatrices. Toutes deux? Fin des faux semblants. L'empreinte a pris. Malgré le vent, partial.
Face à face, je suis plus ou moins au milieu. Pas de réticence. Le contact physique est forcé, l'habitude surpasse les possibles dégoûts ou déplacements d'une intimité réservée aux proches. Entre ce que je dis et ce que je fais, la proximité augmente; entre ce que vous dites et ce que vous faites, il y a parfois une montagne, parfois un grain de riz. Sec, et sonore. Comme le rire de la brune. Et le fini dans ses yeux en larmes.
Il est toujours question de consoler l'inconsolable. Ce matin ma fillette me demandait si elle serait triste quand je serais morte. Et si elle penserait moi et moi à elle.
Blonde, l'écho de ses yeux illuminés; ses mots tendres et fluides qui accompagnent mon arrivée matinale. Répondre sans accentuer les différences, sans susciter la jalousie. Et pourtant sa possession me possède. Blonde. Et l'attachement qui vient petit à petit pour la Brune. Me reconnait-elle un petit peu maintenant?

19 avril 2013

Marco part à lafontaine

Marco part à en long séjour avec son épouse. Ce n'est qu'un au revoir.
Derniers dessins.








18 avril 2013

Douce garde


Paul vient pour la première fois ici. Se poser.
Lilas est énervée, déçue par sa peinture.
Tina-Fanny, enjouée, progresse. Toujours accompagnée de ses motifs d’enfance. Longue séance à peine troublée par la visite de sa famille.
Filippo est triste, songeur. Il ne dessine pas.

Et moi ? On ne me demande jamais ? Moi ça va. Bien. Au boulot. Sous bonne garde...
Je dessine, mesure, en musique. Filippo est là, tout près, enfin paisible.
Lilas revient de très mauvais poil, grogne contre la musique. Posée et soudain toute sourire : “Ça va ? Le weekend ? C’était mieux ?“ C’est doux, éternel.


15 avril 2013

OIseaux d'avril par Madame Bau

 Grues japonaises - Madame Bau


 Oie -Madame Bau


Long moment concentrée dans l'atelier. Besoin d'air et de contact humain. 
Saisie au vol par Madame Hautey qui m'entraîne dans une conversation et déambulation possessive, j'enregistre ses mots amalgamés à la fois touchants et coquaces.  Parce que justement ils me font sourire, et me donnent envie d'écrire.*


Deux par deux, sous la télé, chacun. “Je me parle, heureusement, ça fait du bien“ dit Maguie, toujours un peu inquiète.  “Et l'oiseau rare !“ râle Lilas, gênée par les cris d'un autre pensionnaire. De mon fauteuil, où j'ai cessé de me faire toute petite pour appartenir au paysage, je suis comme au théâtre. Je reçois, fascinée, cette physicalité en plein visage.
A chaque passage de blouse blanche, Maguie chuchote “ y en a un qui approche “, “encore un autre maintenant“, prise de vertiges devant cet inconnu arrivé en force... Le rassemblement est progressif, les voix vite étouffées par le bruit des couverts.


Ils sont plus tard nombreux à marmonner avec le voisin. Tous à la recherche de la sortie. “Ça m'attend au dépourvu“ me dit Lilas, “ Ne cherches pas, toi qui n'a rien dans la tête“.



*Fichier son à venir bientôt sur le blog.

14 avril 2013

Au fond du palais

Moi je suis ici au fond du palais - Lilas

8 avril 2013

A propos de William Utermohlen, 
artiste-peintre atteint de la maladie d'Alzheimer

En écho : le travail de Barbara Manzetti

http://www.franceculture.fr/personne-barbara-manzetti.html


L'angoisse de la page blanche

De nombreux ouvrage sur les personnes âgées désorientées expliquent que celles-ci n'auraient pas le même rapport que nous autres à la page blanche. Ni angoisse, ni appréhension, ni... Ayant pour ma part l'habitude de dessiner avec des personnes n'ayant peu ou pas dessiné auparavant, je note que les patients atteint d'Alzheimer demeurent comme tout un chacun dans cette situation. Il est pour la plupart d'entre eux difficile de commencer, qu'il s'agisse de choisir un sujet, et même plus encore un matériau, ou une couleur. A cette appréhension, ou même à ce vide, s'ajoute souvent la conscience de leur maladresse physique due au grand âge (difficulté de préhension, déficience visuelle, etc), et le souvenir si lointain ( 70-80 ans!) du dessin à l'école.  
Il faut dans cette optique préciser deux choses :
- Les personnes ayant pratiqué le dessin, ou une activité artistique ou technique équivalente ( broderie, dessin technique, etc) n'ont aucun mal à se lancer, retrouvant un plaisir, une technicité, même oubliées.
- Les choses diffèrent de bien entendu en fonction de l'âge de chacun , et du degré de la maladie dont il souffre.

Ne pas offrir (trop) de choix (couleur, crayons, etc) - semble être la façon la plus appropriée de les aider à entrer dans le dessin. La question du choix, de la multiplicité des possibles paraissant au départ insurmontable, angoissante, et les vouer à l'échec. Je prends donc le temps de repérer leurs réactions face à mes premières propositions. Je rebondis sur leur sentiment premier. Et je mets ainsi en place pour chacun une petite palette*1 de couleurs qui lui sied. Puis au fur et à mesure des séances, j'élargis doucement cette palette par l'introduction d’une nouvelle teinte. Ou de deux, et ainsi de suite. Mais de façon très espacée et douce afin de ne pas brusquer ni imposer un choix ; je fais en sorte que la décision (adoption ou refus) leur appartienne et soit consciente.

L’angoisse du commencer est moindre lorsque je pré-trace une image ou leur propose de coller un de mes portraits dessinés avant. Cette pré-image fait office de support *1. Il y a alors juste à continuer et la question du je fais quoi ? est différente et moindre. Moins prégnante. 

Une certaine aisance se développe au fur et à mesure des ateliers ; la volonté, exprimée verbalement ou par le geste (si anodin pour nous de saisir l'outil qui nous fait envie, ou dont nous avons besoin), la désignation ou l'affirmation (du oui ou du non) viendra plus facilement pour la plupart. 

Ils ont besoin d'être en confiance, et dans l'intimité (douceur, calme, tranquillité) qu'elle soit collective ou mieux individuelle. Ils ont besoin du maximum de mon attention, de mon approbation, et sans doute de mon affection. L'atelier devient une sorte de refuge, dont ils apprécient et disent la tranquillité. Ils peuvent alors se concentrer, se laisser aller dans le dessin, être happé par le geste (parfois comme sous hypnose). L'aspect physique me semble en effet primordial, plus que la couleur, ou la représentation,  qui semblent leur importer moyennement. 

La recherche d’une harmonie colorée, peut être envisagée mais toujours sous ma houlette, jamais, me semble -t-il, directement et en premier lieu par eux. (Tina-Fanny, et Maguie exceptées.) 
La question du mélange des couleurs (fabriquer ses couleurs) me semble toujours*3 impossible à mettre en place.


*1 lire http://territoires-a-compter.blogspot.fr/2013/03/avec-la-psychomotricienne.htmlarticle
*2 palette : ensemble des différente couleurs ( et non -ici- support de mélange)
*3 encore aujourd'hui ( après 4 mois d'ateliers)
Elle se joue jusqu'à présent ainsi: Lorsqu’ils disposent d’une palette ou plusieurs pots, rares sont ceux qui prendront attention à ne pas faire de mélanges abusifs sales inapproprié et totalement hasardeux en mélangeant par exemple systématiquement avec le même pinceaux dans tous les pots... ( d'ou la nécessité pratique de les faire soit en petit quantité soit d'utiliser des palettes individuelles. Mais nombreux sont ceux qui aiment le geste du pinceau que l'on trempe dans le pot, et que l'on essuie sur les bords avant de le poser sur la feuille.)