8 avril 2013

L'angoisse de la page blanche

De nombreux ouvrage sur les personnes âgées désorientées expliquent que celles-ci n'auraient pas le même rapport que nous autres à la page blanche. Ni angoisse, ni appréhension, ni... Ayant pour ma part l'habitude de dessiner avec des personnes n'ayant peu ou pas dessiné auparavant, je note que les patients atteint d'Alzheimer demeurent comme tout un chacun dans cette situation. Il est pour la plupart d'entre eux difficile de commencer, qu'il s'agisse de choisir un sujet, et même plus encore un matériau, ou une couleur. A cette appréhension, ou même à ce vide, s'ajoute souvent la conscience de leur maladresse physique due au grand âge (difficulté de préhension, déficience visuelle, etc), et le souvenir si lointain ( 70-80 ans!) du dessin à l'école.  
Il faut dans cette optique préciser deux choses :
- Les personnes ayant pratiqué le dessin, ou une activité artistique ou technique équivalente ( broderie, dessin technique, etc) n'ont aucun mal à se lancer, retrouvant un plaisir, une technicité, même oubliées.
- Les choses diffèrent de bien entendu en fonction de l'âge de chacun , et du degré de la maladie dont il souffre.

Ne pas offrir (trop) de choix (couleur, crayons, etc) - semble être la façon la plus appropriée de les aider à entrer dans le dessin. La question du choix, de la multiplicité des possibles paraissant au départ insurmontable, angoissante, et les vouer à l'échec. Je prends donc le temps de repérer leurs réactions face à mes premières propositions. Je rebondis sur leur sentiment premier. Et je mets ainsi en place pour chacun une petite palette*1 de couleurs qui lui sied. Puis au fur et à mesure des séances, j'élargis doucement cette palette par l'introduction d’une nouvelle teinte. Ou de deux, et ainsi de suite. Mais de façon très espacée et douce afin de ne pas brusquer ni imposer un choix ; je fais en sorte que la décision (adoption ou refus) leur appartienne et soit consciente.

L’angoisse du commencer est moindre lorsque je pré-trace une image ou leur propose de coller un de mes portraits dessinés avant. Cette pré-image fait office de support *1. Il y a alors juste à continuer et la question du je fais quoi ? est différente et moindre. Moins prégnante. 

Une certaine aisance se développe au fur et à mesure des ateliers ; la volonté, exprimée verbalement ou par le geste (si anodin pour nous de saisir l'outil qui nous fait envie, ou dont nous avons besoin), la désignation ou l'affirmation (du oui ou du non) viendra plus facilement pour la plupart. 

Ils ont besoin d'être en confiance, et dans l'intimité (douceur, calme, tranquillité) qu'elle soit collective ou mieux individuelle. Ils ont besoin du maximum de mon attention, de mon approbation, et sans doute de mon affection. L'atelier devient une sorte de refuge, dont ils apprécient et disent la tranquillité. Ils peuvent alors se concentrer, se laisser aller dans le dessin, être happé par le geste (parfois comme sous hypnose). L'aspect physique me semble en effet primordial, plus que la couleur, ou la représentation,  qui semblent leur importer moyennement. 

La recherche d’une harmonie colorée, peut être envisagée mais toujours sous ma houlette, jamais, me semble -t-il, directement et en premier lieu par eux. (Tina-Fanny, et Maguie exceptées.) 
La question du mélange des couleurs (fabriquer ses couleurs) me semble toujours*3 impossible à mettre en place.


*1 lire http://territoires-a-compter.blogspot.fr/2013/03/avec-la-psychomotricienne.htmlarticle
*2 palette : ensemble des différente couleurs ( et non -ici- support de mélange)
*3 encore aujourd'hui ( après 4 mois d'ateliers)
Elle se joue jusqu'à présent ainsi: Lorsqu’ils disposent d’une palette ou plusieurs pots, rares sont ceux qui prendront attention à ne pas faire de mélanges abusifs sales inapproprié et totalement hasardeux en mélangeant par exemple systématiquement avec le même pinceaux dans tous les pots... ( d'ou la nécessité pratique de les faire soit en petit quantité soit d'utiliser des palettes individuelles. Mais nombreux sont ceux qui aiment le geste du pinceau que l'on trempe dans le pot, et que l'on essuie sur les bords avant de le poser sur la feuille.) 


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