27 février 2013

Inspiration

Patrick Caufield -
Vase of flowers
1962

25 février 2013

Couçi-couça


Grande séance avec cinq résidents: Alain Draper, qui assis au bureau se plaint du dos ; Lilas revenue avec une pointe de jalousie, elle me voudrait, des fois, pour elle toute seule ; madame Bau, en moyenne forme, dessine un train à vapeur; Lucio, bouquine les revues d'art, et Maguie installée au chevalet, qui va couçi-couça, et entame un travail d'écriture sur son dessin.

Les problèmes de vues les dérangent de plus en plus, je leur promets les loupes. J'espère que cela les stimulera. La neige tombe.

***

Discussion du soir avec Michèle, infirmière, autour de :
-l'anxiété des patients, d'autant plus notable en fin de journéee ou lors de la pleine lune. De la façon dont ils assaillent alors souvent la porte de sortie après le dîner. Des difficultés qui en surviennent pour l'équipe, surtout si elle est réduite.
- de leur besoin d'attention et d'activités, de stimulation. Elle me parle d'une aide-soignante (partie depuis) qui prenait le temps de jouer (aux dominos) avec les patients. De la dynamique qui peut alors être insufflée dans une équipe. Et qui manque aujourd'hui. Si personne ne se lance, par habitude, par manque de motivation, etc.
- Du bénéfice immédiatement visible pour les patients lorsqu'ils sont ainsi quotidiennement stimulés affectivement et intellectuellement.
Et puis nous évoquons les réductions des équipes, les sous-effectifs du we, etc.


19 février 2013

3ème accrochage - commenté.

Je continue les ateliers sur les principes déjà engagés:

Avec les nouveaux, dessin- peinture libre :
Proposition de papier, crayons, couleurs... Exploration des matériaux, de la couleur et du trait. Réappropriation des outils ( crayons, pinceaux), des gestes et du vocabulaire. Mise en confiance au sein de l'atelier, avec moi, et les éventuelles autres personnes présentes. Début de concentration, de tranquillité. A la recherche d'un possible plaisir ou quiétude.

Mr Draper

Mr Draper

M-françoise

Mme Trevor, d'après Picasso

Et en trois séances, mme Bau , qui travaille quasiment à l'aveugle, et utilise sa mémoire visuelle : elle pense à son motif ( plusieurs jours à l'avance parfois), et le trace ensuite à l'aide de gros crayons aquarellables sur papier mouillé. Ce qui lui permet de distinguer parfois tout juste ses tracés. Je la guide parfois avec mes yeux lorsque le besoin de précision est là, ou qu'elle perd le fil de son tracé.

Mme Bau - 1
Mme Bau - 2
Mme Bau - 3
Mme Bau - 4

Mme Bau - 5




Avec les habitués de l'atelier,
le travail rassemble maintenant collage et exploration- construction picturale.

A partir de représentations multiples à choisir et à coller de leur propre personne (photographies et/ou dessins des patients que j'ai fait et photocopié ), 
début de construction picturale, de réflexion sur l'espace de la feuille : équilibre du dessin. 
Tracés, et couleurs pour figurer espace, territoire, atmosphère, etc.

En direction d'un travail de composition, d'échelles, de superposition, et/ou de recouvrement. Comment la figure s’intègre à ce qui l’entoure, la recouvre, l’éloigne, etc.


Travail autour des questions sous jacentes de la représentation et de la place du corps dans l’espace. Vers le portrait et l’autoportrait. Questions que j'aborde pour le moment sur la pointe des pieds.

Vers la formation de séries, ou de dialogues-échos à plusieurs. 

Maguie


Maguie



Irène



Mr Eko



Lilas


Marco

Deux par deux.



Lilas et monsieur Draper  se baladent beaucoup ensemble. Avec sérieux et fermeté.

Ce besoin d'appui et de contact qui fait deux, qui réunit (presque) toujours les partenaires de déambulation par la main. Qui leur donne force et assurance. Raison d'être. Le corps de l'autre comme un prolongement du sien propre. Contre l'adversité. Vers l'avant. 

Et de l'apparente impossibilité qui en découle : déambuler à trois.



18 février 2013

Neige - rencontre



Mr draper, Alain, s'entend bien avec ces dames.Toutes ou presque. IL faut dire qu'il est gentil Alain. Paisible comme tout, et prêt à tout - “chiche“- pour faire plaisir. Il fait de l'humour avec Irène, se ballade avec lilas, et est plein d'attention pour Maguie et Marie- françoise.

“ Tu es en forme aujourd'hui“ dis- je à Lilas
Oui, elle est en forme de quelque chose.“ répond Alain.


***

NEIGE

Lilas est à l'atelier, nous regardons la neige. “C'est extra, magnifique, vraiment juvénile“
On écoute une reprise de F. hardy, en boucle. “En ce moment j'ai quelqu'un qui me plaît beaucoup , justement.“

Deux jours passent, depuis ils ne se quittent plus.


Boutons de roses

Un homme et trois boutons. Boutons de rose et espace lent. Roses fanées et flâneries, entre deux allées-venues-journées. Alain oscille, son cœur bat et sa présence avec, d'une alternance toute naturelle pour nos trois roses. Est-ce la maladie qui les sauve, les protège d'une irréductible jalousie et maladie d'amour ? Sirop de pêche, à la ligne. 
Lundi matin, assis, le A de Alain et le R de Renée, avec humour, endimanchés, foulard de velours mais cheveux gras. Fin de journée avec Lilas, qui me confie ensuite son amour pour “ un garçon que j'ai bien connu, que je connais et que j'aime. Cela me rend heureuse.“ Leur petit air coquin et naturel lorsque la porte s'ouvre sur eux...


17 février 2013

A venir


Articles et pistes de réflexions en cours, et à venir :

- Familles
Enfermement 
le dessin et Alzheimer 1
- Bienfaits de l'atelier
- Portraits de Gustave, Jackie, Lilas, Renée... 
Conscience 2

Lectures 2



Les vieilles de Pascale Gauthier
folio, Editions Gallimard, 2010.

prêté par Isabelle L,  cadre de l'unité.



14 février 2013


 Il y a dans le mot , dans le verbe, quelque chose de sacré qui nous défend d'en faire un jeu de hasard. Manier savamement une langue, c'est pratiquer une espèce de sorcellerie incantatoire.“

                                                                                                                           Charles Baudelaire


Évidence ?


J'arrive tout juste de l'autre bout de paris. Il est 13h30, et devant ma porte, déjà, Irène, Eko et Monsieur Draper. Juste le temps de leur ouvrir l'atelier, et les voilà assis et prêts à dessiner. D'eux-mêmes.
La concentration est là, chacun à son dessin, et moi autour.

M - “ Je suis contente d'être là avec vous.
Mr Draper - Moi aussi, c'est exactement ce qu'il me fallait, le dessin.
Irène - Moi ça me tranquillise, parce que sinon on a une vie de merde.
Mr Draper tente de la rassurer, et la complimente sur son dessin.
Irène - Une minute de silence. Parce que je n'ai jamais fait quelque chose d'aussi moche !
Mr Draper - Et alors ? Même si c'est une bêtise, c'est génial.“


Proximité et différence



Au bras de son grand fils, Lilas ne me reconnaît pas ou peut-être le feint-elle. Le fait est qu'elle me repousse ; je trouve cela très sain. Elle veut profiter de ce moment en famille, et donne la priorité avec attachement et logique à ses vrais proches.


6 février 2013

Héros - II


- Depuis quelques jours déjà, Jacquot D, est parti, admis en SLD ( long séjour, maison de retraite à l'hôpital, lieu de fin de vie donc). A sa façon, il va me manquer. Ses sourires, ses taquineries, et sa gourmandise de diabétique ponctuait les journées.
- Marnie et Janine aussi, ont été admises en SLD ; Il faudra que je leur rende visite.
- Benjamin, le cowboy de Jackie, est reparti. 
- Aussitôt remplacé dans son cœur par mr Hima. Celui-ci , fort attentionné, galant et éduqué n'en a pas moins cassé la figure à Albert J soit disant pour vol de chaussures. 
- Pauvre Albert J, l'imprimeur. Charmant, présent et déjà apprécié de tous, et immédiatement investi dans le dessin, étendu au sol, bouleversé. Il a été contraint de plier bagage vers l'unité du rez de chaussé pour être en sécurité. 

Jackie, madame Serton, sera toute chamboulée par cette histoire, qu'elle retient à l'envers, l'agresseur n'est pas celui qu'elle veut croire...

De nombreuses allées et venues ont continué à ponctuer ces derniers jours. Arrivées de :
- Madame Bau. Borgne et d'apparence si faible. Mais lucide, adorable, éveillée...  Elle cherche d'un atelier à l'autre son  motif. Et utilise sa mémoire visuelle pour le dessiner ensuite.
- Madame Trevor, toujours souriante, et de bon poil.  Elle discute de tout avec tous. Chante beaucoup, parle sans cesse ( même en atelier). Elle me raconte son métier à la ferme, ses chansons, ses enfants qu'elle a conduit dans le dessin... Elle dessine un Arlequin de Picasso. Avec technique. Par la parole et par le geste, elle cherche - et c'est tout à son honneur-  à se démarquer de ses compagnons, dans mon regard.
- Madame Pier, timide, effacée.  Elle ose de plus en plus braver le dehors et participer à la vie commune. Très consciente et inquiète de ses trous de mémoire. L'atelier avec elle sera un échec cuisant, et une expérience violente: prise de panique, elle ne cessera d'excuser son incapacité à se rappeller les images ( pourtant restées sous ses yeux), et de se justifier de ses capacité restantes par rapport à sa crainte que l'on ne se moque d'elle si elle dessine. Son inquiétude grandissant, je la ramène à sa chambre, et confie l'épisode à CR, la psychologue.
- Madame  Naules, dont je parlerais plus tard.
- et Marie-Françoise F. Qui est sans doute telle que je pensais trouver tous les patients. Très atteinte au niveau du langage. Très désorientée et déambulante. je détaillerais un atelier avec elle d'ici quelques articles.

A suivre.


Lucio Artiste italien

Lucio a toute une vie- et une famille- d'artiste derrière. 
Il lui en reste des souvenirs, et une vraie exigence dans le travail de dessin.
La reprise à l'atelier fait son bonheur.







5 février 2013

Un chasseur sachant chasser...

*1 
Lilas et moi sommes de plus en plus proches. Je pense que nous avons l'une comme l'autre une certaine forme de plaisir et d'intérêt à passer du temps ensemble. Je respecte ses changements d'humeur, ses envies, tout comme elle mon temps de travail et la concentration que cela demande.
J'ai commencé son portrait, mais je manque d'une ligne de déambulation pour avancer ma composition. Je vais en salle à manger bien décidée à croquer ses pas ou ceux d'un autre. Nous sommes mardi, et l'atelier chant a commencé. Rares sont ceux qui quittent alors la salle emportés par les mélodies de leur jeunesse. Je passe tout de même, sait-on jamais. Or, aujourd'hui, justement Lilas quitte la pièce, visiblement énervée. Elle m'entraine à part, et me prend le bras : “Ah c'est insupportable. Allons y, dépêches toi !“
Nous voici toutes deux lancées dans un chemin sans fin, dans les 3 couloirs et les 11 boucles possibles. C'est elle qui guide, accrochée, agrippée à mon bras. Elle accélère le pas à chaque visage humain qui apparaît, prenant toujours la direction qui nous permet d'éviter le contact. Lorsque le croisement est inévitable, elle me fait accélérer le pas. Idem et avec force lorsque notre déambulation nous amène à la salle à manger et au chant (assez cacophonique aujourd'hui il est vrai).
Tandis que nous marchons, je trace notre parcours, en rouge sur mon plan, couloir après couloir, tournant après tournant. La situation est tout à la fois à la fois comique et troublante. Je trace nos pas. Je ne suis plus dans l'observation, ni dans la la neutralité. Je participe à ce tracé. Car je sais que Lilas déambule bien différemment et bien moins lorsqu'elle est seule.
Nous marchons non-stop une bonne demi-heure. La fatigue et la lassitude arrivent. Le temps finit par me sembler long, et je voudrais pouvoir passer à autre chose. Je suggère à Lilas que nous allions tranquillement à l'atelier. Elle acquiesce. Et d'un pas vif, nous y emmène. Point d'arrivée - enfin.  Notre parcours s'arrête là, et trouve son point final sur mon dessin.
( Lilas entre avec moi, et nous passerons encore un long moment ensemble durant lequel je dessinerai avec efficacité, encouragée par son regard et ses conseils.)

4 février 2013

Relations aux patients et relation à l'écriture.



Quelques lecteurs se sont étonnés que le blog parle des patients au delà-même des temps de créations en ateliers, et du rapport entre la maladie et la pratique artistique.
Je ne peux pas parler uniquement de dessin. Les ateliers avec les patients, mon travail de dessin personnel, et par là même ce journal, se nourrissent du temps que je passe à leurs côtés. De nos échanges, des relations que je tisse avec eux au jour le jour.
Ces relations progressent. Assez vite finalement. Même si ce n'est jamais gagné. Chaque jour, je sais mieux comment regagner le sourire de Lilas, la confiance d'Irène, l'attention de mr Eko, l'amitié de Sonia, la paix de Maguie, et le bonjour des autres. La recette est simple, mais tout est question d'attention à l'instant présent. La main sur l'épaule, le sourire, l'échange quotidien, la touche d'humour, ne sont parfois pas du tout adaptés au moment précis. Il faut savoir respecter, contourner la saute d'humeur, la conscience lourde, l'angoisse. Pour mieux revenir. De mes attentions et de mon investissement dans la relation dépend leur présence à l'atelier, leur envie de dessiner, la confiance qu'ils ont en moi, et le lâcher prise dans la couleur. Sans oublier bien entendu, le bien être qu'ils en retirent, et le travail (le mien, et le nôtre) qui avance.
Je passe donc beaucoup de temps avec eux. Individuellement ou en groupe. Dans les couloirs, la salle à manger, l'atelier. Le matin après leur petit déjeuner, le midi en m'installant parfois avec eux, l'après midi...  Je prends le temps chaque matin de les saluer un à un ou presque ; et le soir, manteau sur le dos, de leur souhaiter une bonne soirée, et de leur dire à demain. Je ponctue mon travail de ces temps de présence, et d'échange. Qui nous font avancer. Dans ce chemin que je nous construis quelque part, avec eux ; et parfois quelque peu à leur insu.
Je passe également beaucoup de temps à les regarder, les écouter, pour comprendre qui ils sont, ce qu'ils vivent et comment ils le vivent. Chacun. Et je note, je croque, je photographie. Je passe des matinées dans les couloirs,à suivre, à poursuivre *1 l'un ou et l'autre. Crayons de couleurs à la main, je trace sur mon plan, les déambulations du moment, les allées venues, les kilomètres parcourus. Pour mieux les redessiner ensuite.
Nombreux sont donc pour l'instant les articles de ce journal, qui relatent par bribes ces relations, et observations. Ma visée n'est pas scientifique, ni systématique, ni sociologique. L'individu prime sur le groupe, dans ce travail pour l'instant. L'humain sur la maladie. La sensation et l'expression sur une véritable conceptualisation. Un travail de réflexion est en cours, et s'écrit avec un nécessaire recul. Certains articles ou du moins leur ébauches seront bientôt publiés sur ce blog. Ainsi que la série de portraits dessinés et écrits sur lesquels je travaille actuellement.

2 février 2013

Deuxième accrochage - suite

Début de travail avec leur images... Je commence avec leur photo,, reproduite en photocopies, avant d'utiliser ces mêmes images re-dessinées par la suite. 



Albert

Maguie



Deuxième accrochage

Marco

Lilas

lilas


Eko 


Gustave


Gustave

Irène


Pascale