31 mars 2013








Héros - III

Il est temps de faire le point sur les héros du moment :
Pour ce qui suivent:
- Maguie est toujours là, vétérante et assidue à l'atelier. Elle a des petits moment de faiblesse, de perdition, puis retrouve son espièglerie vite fait bien fait. ( lire Maguie et le dessin )
- Lilas aussi. Après une très vilaine semaine, durant laquelle elle n'a plus eu goût pour la vie, et nous a fait craindre à tous sa disparition prochaine, elle est de nouveau bien présente. Notre relation évolue, elle m'accueille maintenant avec une belle joie, et semble m'avoir fait une vraie place ici et dans sa mémoire. Le dessin reste avec elle une bataille à couteaux tiré mais cela en vaut la peine. Nous avançons, en grand format, et dans la continuité d'une séance sur l'autre.
- Miguel chante toujours. je m'en rapproche doucement. Je n'ai pas fait d'atelier avec lui. Il part bientôt en long séjour.
- Irène, accumule les inquiétudes avec une conscience décalée. On m'a relaté son passé dépressif. J'ai peine à y penser...
- Odile, est venue à l'atelier. Emmenée plus de force que de gré par sa famille. Elle grogne, “n'aime pas le dessin“ mais s'amuse à nos côtés et se “repose au milieu de toutes ces belles choses“. Sacré personnage, sacré bonne femme.
- Madame Rissaut me rappelle la sorcière de mon enfance. Elle est capable de métamorphose ; sa discrétion disparaît alors pour assaillir son audience d'une voix qui vous cisaille les tympans.
- Monsieur Z, perdu sans sa radio!
- Madame Bau. Au départ si douce, elle repousse maintenant toute l'équipe avec mépris. Reclue, repliée dans le silence. J'ai quelque peu honte de l'avoir délaissée pour suivre l'opinion commune.
- Madame Pier, n'est pas revenue a l'atelier. L'échec et l'inquiétude lui sont quotidiennement trop pesants.
- Madame Naules, de mauve vêtue, dessine des lignes fines, sans discontinuer... Mais toujours prête à dé-gommer.
- et Marie-Françoise, fragile et attachante, surnomme “ ma petite reine“ toutes celles qui lui témoignent de l'attention.
- J'allais oublier Monsieur Hima. Chamboulé et seul depuis le départ de Jackie. Il me raconte son passé de travailleur métallurgiste.
- Et Alain Draper qui a perdu de son panache. Abimé par son mal de dos, rejeté par toutes ces dames depuis son histoire avec Liliane ( la solidarité féminine n'a pas d'âge). Et faisant preuve d'une agressivité et autres, qui le rendent aux dires communs peu fréquentable. Une agitation continue ne lui permet pas de plus de tenir dans l'espace du travail et de l'atelier. 

Sont arrivés :
- Tina-Fanny. Jolie comme un cœur du haut des 80 ans ( mais rien de naturel messieurs dames, que du neuf ; ceci explique cela.). Douce et joueuse comme une petite fille. Le dessin la tire de son lit. Autonome, et concentrée face au chevalet ; là plus rien n'est faux, face à son trait, à ses couleurs et à ses souvenirs d'enfance qu'elle me murmure comme d'autres fredonnent.
- Madame Mapiaud, qui trotte, sourit, dessine aussi l'enfance, sa normandie.
- Madame Hautey, princesse cleptomane, arpenteuse de caractère. Et notre exploit et confiance commune, début d'une peinture paysage en attendant “maman“.
- et d'autres ladies et gentlemen, que je ne côtoient que peu, à suivre au chapitre suivant.

Sont partis :



- Eko est toujours aussi nuageux, et de plus en plus souvent plongé - ou ? Très haut- dans un sommeil religieux. Parti en long séjour. Disparu pendant son adaptation, il provoque la course, l'inquiétude et met la police à ses trousses. Retour illuminé d'un large sourire, peut être amusé par son jeu de cache-cache ( il n'avait pas bougé de l'étage, pourtant fouillé de fond en comble.)
- Jackie Serton, qui finit par être la seule à connaitre mon prénom, toute fière. Nous discutions bien, toujours un peu comme deux fillettes qui jouent à la marchande...
- Madame B, Sonia. Elle n'a jamais voulu redessiner. Son mari décédé il y a peu. Tristesse. Départ hier en long séjour. “ Alors, je  ne vous verrais plus?“ me dit elle des trémolos dans la voix.
- Marco, aussi vient de déménager en face, en long séjour à Lafontaine. Avec sa femme. Je suis allée le chercher sur les conseils du docteur Trivalle, mais la séance a été difficile. Son chagrin a gagné un terrain terrible. Sacré.
- Madame Ail, est rentrée chez elle. Souriante et douce. elle va me manquer.
-  Madame Trevor, toujours souriante, et attentionnée pour tous. Est rentrée chez elle. Pimpante.
- Et depuis longtemps, Rose Desmarais, repartie avec son mari. Pascale Missat, en long séjour, n'est pas revenue aux ateliers avec sa fille. Gustave Hart, lui, vit maintenant en maison de retraite mais n'a pas cessé de hanter coeurs et couloirs.



24 mars 2013

Mortels

La mort rôde et choisit. Sans rendez-vous.
Lilas va doucement mieux. 
Madame Vraht a sombré doucement dans le murmure, et nous a quitté.

18 mars 2013

LIlas & Co



Deligny


Replongée dans l'univers et la pensée de et autour de Fernand Deligny.
Résonances, miroir de l'espace d'Alzheimer, tel que je le travaille ici.




15 mars 2013

Lilas

Lilas



























Lilas est extrêmement faible ces derniers jours. Elle ne s'alimente presque plus, la fin semble proche.  Mais hier son sourire a illuminé mon après midi. Et peut être mon affection la sienne.






Belle au bois dormant
Lilas





“Chaque voyage est un voyage circulaire...“


Il y a quelques jours, longue discussion avec le fils de Madame Vraht. 
Source des réflexions suivantes :

Chaque voyage est un voyage circulaire...“
- A propos des déambulations.
Quelque soient la durée, les détours, la vitesse, les rencontres, embûches, stations, décisions ou égarements, la boucle est là, irrémédiable dans ce lieu clos qu'est l'Unité.
A se demander comment la plupart des patients semblent garder leur calme ; et à quel point leur enfermement est aussi source d’angoisses, d’abandon, et de symptômes. Ceci dit sans porter de jugement car ces questions d’enfermement ont aussi leur point Godwin (quelle autre alternative proposer à l'enfermement ?).
...un retour au point de départ.“
- Pour certains, il y aurait une forme de retour à l'enfance dans la vieillesse. Le raccourci (pour boucler la boucle?) me semble imparfait. Qu'il soit question du développement de la personne, comme en ce qui concerne le dessin. Régression, fragilité : oui, mais retour ? Non.
- Des contours et cercles dessinées, peints et récurrents. (Voir les images précédemment publiées. On observe aisément ce qui est souvent symptomatique des malades d’Alzheimer, le contour récurrent, difficile à dépasser, à contourner.)
...
Et puis, de cette circularité, autour d’un visage, d'un corps connu et contenu, nous parvenons à l'icône. Adorée à sa manière, protégée*1 sûrement. Geste religieux ou vaudou...

Et face à tout ce blanc -contour de leurs contours- comme une parure, une armure, contre d'inconnus desseins, nous discutons de la réserve*2.  Elle commence ici autour des portraits dessinés que nous collons sur le papier. A eux ensuite d’aller au-delà, d'en franchir le contour, d’entrer dans le vide, et de s'approprier ce territoire. A moi de les y accompagner. Ladite réserve peut se voir inversée si ils peignent à contrario, autour du portrait dessiné-collé qu’ils laissent alors vierge... Y a t-il un sens à tout cela ?

Entre le dernier dessin de Maguie ( nuages violets), les cerises de madame BAU*3, et l'angoisse de certains, du blanc au violet, l'ultra-violet, spectre du visible. En sous titre (pas) terrible. Au delà de l'attitude*4 de certains, nous est donné la visibilité d'une conclusion. Qui ne peut être apparentée, hélas, au cauchemard.
Du blanc au violet, large spectre d’un visible perçu par eux seuls, dessins de l’indicible ?
Délirium possible.


Nous terminons autour de Malevich.



*1 Il s’agit de ne pas se mettre en péril, de se protéger de l’extérieur. Repli sur soi, peur du contact, de l’inconnu,du vide - constat d’échec. Et là aussi on tourne en rond : la peur, le repli font diminuer les contacts ; lesquels plus rares sont plus difficiles, et plus vécus comme échecs. Etc.

*2 les espaces où le papier est laissé délibérément vierge. Et qui peuvent permettre de  au dessin d'exister dans un espace,  aux nuances, luminosité et aux couleurs de ressortir.

*3 accrochage du 19 février

*4 (spectrale??)


14 mars 2013

Maguie et le dessin


Depuis mon arrivée fin novembre, Maguie est la résidente la plus présente à l'atelier. Elle fait aujourd'hui sa huitième séance. Elle est, si ce n'est volontaire, toujours partante pour me suivre, et s'investir avec confiance dans le dessin-peinture.
Résumé de ses dernières séances:

18/02
Maguie revient à l’atelier, en compagnie de madame Bau cette fois ci. Elle est toujours beaucoup plus calme, ne fanfaronne presque plus ou ne cherche pas des noises aux autres, en ce lieu en tous cas. Chacune d'entre elles retrouve vite ses marques, ses habitudes, et gagne en autonomie, ce qui me permet de les accompagner, plus dans la peinture et moins dans une reconnaissance manuelle. Maguie est un peu perdue car elle oublie très vite ce qu’elle vient de faire. Mais son geste a gagné en assurance, et elle en sérénité. Elle s’applique.
L’une et l’autre disent apprécier le calme du lieu et le repos que cela leur procure. 
(Voir peintures du 3ème accrochage. )


25/02
Retour 8 jours plus tard. Entourée de quatre autres patients, elle est, cette fois, moins présente, plus inquiète. J’émets l’hypothèse qu’elle est fragilisée face au regard des autres. Comme lors des ateliers précédents à plusieurs,  elle n’a de cesse de se plaindre de sa vue qui baisse, et de rechercher mon accompagnement et approbation pou le moindre trait de crayon.
Ses problèmes de vue la dérangent tout de même de plus en plus. Je lui promets une loupe pour la prochaine séance.
Maguie


28/02
Enfin deux belles loupes nous sont arrivées, que j’utilise aussitôt pour Maguie.
Elle y voit donc mieux, par à coup. Mais elle ne dessine plus comme avant. Un irrépressif besoin d'écrire, et d'écrire pour me remercier, semble s'être de nouveau emparé d'elle.
La séance est moins riche. Elle trace à nouveau des mots, dans des couleurs qu'elle sélectionne ou me demande au fur et à mesure. J'essaie de la guider vers la possibilité d'un tout formant un dessin. Elle n'en prendra pas, je crois, la mesure. 

Maguie


5/03
C'est décidément dans le calme et en tête à tête, que cela se passe le mieux. Elle ne montre alors aucune anxiété. Nous sommes uniquement dans le dessin, par le geste comme par la parole. Concentrée, Maguie trace au pinceau sans discontinuer. Autour de, et sur son portrait-dessiné (choisi et collé par ses soins).
Elle tremble beaucoup. Le tracé se fait au son de ces tremblements, clap clap, blap blap blap blap, clap clap... Tapotis du pinceau, clapotis de la bouche. Rythmes*.
Sans voir“, elle poursuit, à peine interrompue par ses changements de couleur, rose fuschia et du noir “pour les yeux“, ou par l'absence brève du pinceau que je lui replonge dans le pot.
Lilas nous a rejoint et chantonne. Maguie continue, tout de même un peu fanfaronne. Lilas ne cille pas.

Maguie

14/03
Immédiatement concentrée. (Malgré cette fois la présence de deux autres personnes. Déjà dans le calme du dessin lorsque je l'amène à l'atelier.) Elle paraît faire quelques années de moins tant dans son discours que dans son attention et son attitude.
D'elle-même, en place des rose et violet habituels, elle choisit pour peindre, le vert et le orange qu'elle reconnaît et nomme. Avant de préférer un pinceau brosse – qui “se tient mieux“- au poil de poney - “dis donc il est mou ton pinceau“. Sa mémoire des gestes de peinture est maintenant bien ancrée: de la façon d'utiliser le pinceau, entre pot à eau, chiffon, pot de couleur, et papier. Elle cherche encore mon approbation mais avec, désormais, beaucoup de confiance en elle. 



Maguie
A suivre.


*Goutte à goutte. Train

Des larmes aux rires


Séance d'atelier. Avec Tina, nouvellement arrivée. Recommandée par les médecins qui ont trouvé des “livres de coloriage“(?) dans son sac. Son apparence effacée et inquiète disparaît aussitôt que je lui propose de venir dessiner. Elle me suit, souriante. Elle semble étonnamment plus jeune et valide que les autres résidents. Mais j'ai appris à me méfier du change que les patients savent donner les premiers jours.
Dès l'entrée dans l'atelier, elle fait preuve d'une totale autonomie et d'une technique certaine dans l'usage des différents matériaux qu'elle utilise (pastels, crayons de couleurs et crayons aquarellables.) A la fois concentrée et présente à l'environnement (aux blagues de Maguie notamment), elle fait avec calme et bonheur trois dessins successifs d'après Redon.
Irène est là. Très énervée. Elle colle son portrait avec moi mais refuse ensuite de peindre. A force de patience, son flot de paroles et de reproches fera finalement place au calme et au sommeil.

La journée est difficile. Ponctuée par la constatation du dépérissement prononcé d'un certains nombre d'entre eux. De Lilas, maintenant alitée de faiblesse, et qui va probablement bientôt nous quitter, à Maguie, monsieur Hima, et les autres.
La visite enjouée de Jackie Serton apporte un peu de joie. Elle entre en m'appelant par mon prénom, je la félicite, elle est la toute première à s'en souvenir (de tous les patients après plus de trois mois passés ici). Nous nous en réjouissons à si grand bruit, que cadre, aide-soignants et médecin se précipitent, croyant à une catastrophe.
Plus tard, milieu de discussion :
JS- “je n'ai plus 18 ans , moi !“
MJ- Moi non plus !
JS toute heureuse – Bah je te sers la main ! Ça nous fait au moins un point commun !!!“
Fou-rire salvateur et mérité.


4ème accrochage - extraits

La plupart des peintures accrochées cette semaine ont fait l'objets d'articles précédents.
je ne publie donc uniquement les autres.

Si besoin, se référer aux articles suivants:
maguie et le dessin
Lilas
lucio
départ de Marco


Madame Naules


Madame Bau


Alain 

13 mars 2013

Égaré



" L'âme est une chose si impalpable, si souvent inutile et quelquefois si gênante, que je n'éprouvai, quant à cette perte, qu'un peu moins d'émotion que si j'avais égaré, dans une promenade, ma carte de visite. "

                                                                                                                     Charles Baudelaire 


12 mars 2013

Avec la psychomotricienne


Discussion
Autour de comment les mettre au travail ? Les faire entrer dedans ?
Tout en les respectant. Il s'agit de ne pas faire à leur place ( pour bien faire, ou faire joli).

Je les accompagne dans une démarche de création, en intervenant le moins possible et même moins qu'avec une personne valide (maître de ses choix, et dans un sentiment différent quant à un possible échec).
Tout est, me semble-t-il, rendu possible grâce au temps passé avec eux, à l'attention que je leur porte, à l'affection que je leur montre. A ma connaissance de chacun, à la confiance qu'ils m'accordent.

Face aux dessins, constatation de l'apraxie constructive*1, qui les contraint ou les empêche dans leurs tentatives de figuration ou de représentation.
et de l'agnosie visuelle*2 (ils ne (se) reconnaissent plus sur les portraits dessinés entre autres.)
L'angoisse de la page blanche existe bel et bien pour eux; elle est même source d'angoisse, car source d'échec. Assortie des questions «  quoi faire“, et “comment faire“ ? Assortis à la hantise ou à la réalité, de l'échec.

Les portraits-dessinés-collés agissent selon comme un support qui facilite le travail, en anihilant la question de la page blanche et du commencement. Proposition à continuer.

La question des choix et des couleurs est aussi abordée, lire l'article qui développe tout ceci.



*1difficulté à préciser les relations spatiales d'objets ou de parties d'objets, par exemple à reproduire graphiquement des figures simples ou complexes, même lorsque celles-ci sont reconnues.
*2“Ensemble de perturbations de la fonction perceptuelle affectant l'identification et la reconnaissance des objets, des visages ou de leurs représentations, des formes, des couleurs, et des informations spatiales par le biais de la modalité visuelle et en l'absence de tout déficit de l'acuité visuelle et de détérioration intellectuelle.“
http://www.med.univ-rennes1.fr/sisrai/dico/R035.html



5 mars 2013

Marche forcée


Fin d'après-midi.
Croquis des déambulation dans les couloir. Harponnée, prise en otage, par Lilas qui fuit Alain. Marine me raconte qu'elle a découvert le pot aux roses. 
Nous jouons aux chats et à la souris pendant plus de 45 minutes, entrainant dans notre marche madame Ail, Eko, et Alain bien sûr. Circuit respectifs  de rouge, violet, vert et bleu sur mon dessin. Poignet engourdi.

4 mars 2013

“Madame, Madame..."


Mi février.

Madame, Madame, Madame, attendez je crois que j'ai perdu une petite cuillère “.

L'atelier commence par l'expression de sa désorientation. Profonde. Elle est arrivée ce matin. Je ne pensais pas la solliciter aussi vite pour le dessin. Notre rencontre s'est fait d'elle-même, et Marie-Françoise m'a suivi tout de suite et, une fois installée, a pris le crayon avec envie.
Mots discontinus, pensées idem. Gestes inconscients et peut être inconsidérés. Elle comprend ce qu'elle tient en main, reprend contact (avec le crayon), et cherche à le décapuchonner. Puis il s'agit de ce qui se joue : tenir le crayon, tracer sur le papier. Difficile de dire si c'est pour me faire plaisir, comme un vieux réflexe d'écolière qui fait pour le plaisir et la satisfaction de son enseignante... ?
Mais elle s'intéresse, s'implique, et se pose. Elle semble bien là, avec nous ( Alison et moi). Elle trace 2 cercles, je lui en trace 2 autres. Nous parlons de bulles, de lignes et petit à petit de couleurs.
Elle trace dedans, retrace à l'intérieur, le contour, déjà là, de nos 4 bulles. Elle accompagne son geste par la voix, jusqu'au point final. “Voilà, voilà, là, là, là, là, là, là, là, …. Voilàaa madame.“ tandis que sa main trace et ferme le cercle – s'arrête- sur la dernière syllabe.
Entre chaque geste, chaque tracé, elle cherche notre approbation. Maints “Ça va madame ?“, “Monsieur ?“ ( destinés à Alison, prise pour un homme). Je la félicite, je l'encourage. “ Vous êtes gentille avec moi“.
Elle avance, doucement, cercle par cercle. Elle prend conscience de son action, et reprend confiance en elle. Si en début d'atelier, elle prend systématiquement la première couleur ou matière proposée, elle arrive petit à petit à faire le choix, par le verbe, ou le geste, entre plusieurs couleurs.

D'autres réflexions accompagnent son travail :
Elle en veut un à danser, un truc comme ça“. Est-ce le cercle qui évoque la piste de danse , le tutu, la jupe, ou le cerceau... ?
Ça va pas être pareil“, lorsque je lui propose de changer de couleur.

Elle continue, persévère, passe du crayon au pinceau jusqu'à ce qu'ensemble nous décidions – et le ensemble est véridique et important- que son dessin est fini.
Son attitude, sa présence, son calme, ses capacités se sont métamorphosées pendant ces quarante minutes d'atelier. Elle repart fatiguée mais heureuse de ce qu'elle a fait. Et consciente.

Il s'agit ensuite de retourner dans ce couloir et au milieu de ces gens qu'elle ne “connaît“ que depuis quelques heures. Son inquiétude se lit immédiatement dans son attitude régressive sitôt qu'elle se trouve dans le couloir.

***

Marie-Françoise est maintenant là depuis plusieurs semaines. Son état varie d'un jour à l'autre, entre agitation, sollicitation, fatigue... Elle est revenue à l'atelier, mais il lui a été impossible de dessiner, de se concentrer sur le moment présent, et le geste, les matières proposées.


1 mars 2013

Confusément


"Nous recherchons tous le bonheur, mais sans savoir où, comme des ivrognes qui cherchent leur maison, sachant confusément qu'ils en ont une.“

                                                                                                                              Voltaire